Les réseaux de jeunes


Cette diversité de leur réseau se retrouve dans les accompagnements et les ressources mobilisés, quoique ceuxci ne paraissent pas toujours suffisants en volume et pas assez adaptés aux divers besoins des porteurs. Le type d’accompagnement dont ils peuvent bénéficier est fortement conditionné par le statut et la visée du projet. Ainsi ceux qui existent sous statut coopératif peuvent s’appuyer d’emblée sur les structures d’accompagnement, voire de financement, du mouvement coopératif11. Certaines associations ont recherché des accompagnements multiples et croisés (DLA, boutique de gestion, …). De façon générale, et parce que beaucoup sont fortement ancrées dans les dynamiques locales, les initiatives portées par les jeunes recherchent assez naturellement des appuis du côté des collectivités locales. Ces appuis – qu’ils n’obtiennent pas toujours – sont de nature diverse : financiers directs (subventions, appel à projet) ou indirects (commande publique, aide aux postes), appuis logistiques (mise à disposition de locaux, accès privilégiés à des équipements publics), appuis symboliques (reconnaissance, accès à un réseau plus large). Il est à remarquer, et il y a là un certain paradoxe, que les difficultés à trouver un accompagnement adapté ainsi que des sources de financement renvoient en partie au caractère innovant des réalisations, notamment à la propension arborescente des activités et à leur hybridité. Cette dimension d’innovation sociale reste encore non ou mal reconnue, et donc non financée. Les critères pris en considération pour évaluer et soutenir ce type d’entreprises laissent peu de place à des considérations qualitatives plus informelles et non matérielles qui font pourtant la force et l’intérêt des initiatives économiques solidaires portées par les jeunes (lire également le chap.4). Ainsi, la grille d’analyse qui a servi de fil conducteur pour analyser la dimension innovante des initiatives étudiées, si elle est nécessaire et pertinente sous certains aspects, reste encore très normée et correspond peu sous certains autres aux spécificités des porteurs jeunes. La prééminence d’un modèle managérial est peu adapté à leur fonctionnement, d’autant moins pour les associations nées de « projets jeunes » qui n’avaient pas vocation au départ à devenir une unité économique génératrice d’emplois. De façon générale, l’innovation revêt un caractère incertain dont les résultats et les impacts sont largement inconnus compte tenu des ajustements qui mobilisent une pluralité d’acteurs12. Or cette part d’incertitude, de prise de risque, d’expérimentation mais également le plaisir d’expérimenter collectivement restent minorés dans les critères définis par la grille. Surtout, elle sous-tend l’existence d’appuis et de ressources qui parfois existent peu ou pas. Les succès en termes de fréquentation par les usagers (individuels ou collectifs) et de partenariats noués par les initiatives étudiées montrent bien, cependant, leur forte capacité à créer l’usage social de leurs activités et non simplement à répondre directement à un besoin. L’innovation relève d’un double mouvement d’appropriation et de territorialisation13. Les capacités des territoires à favoriser les innovations sociales qui sont toutes, dans leur déploiement, ancrées localement sont donc centrales. Le territoire est plus qu’un lieu dans lequel des manques seraient identifiés et des acteurs mobilisés : il fait système en étant porteur (ou frein) d’initiatives innovantes.