Plus loin que le « Six-Pack »


La crise irlandaise est révélatrice de deux choses : elle montre, d’une part, que les stress-tests de juillet 2010 ne sont pas crédibles (les banques irlandaises, dont l’Anglo Irish Bank, les avaient en effet passés avec succès) et, d’autre part, que les engagements pris dans le cadre du paquet législatif sur la gouvernance économique en cours d’adoption (« Six-Pack ») ne suffisent pas à restaurer la crédibilité de la zone euro sur les marchés financiers et donc sa stabilité. En ce qui concerne les stress-tests, c’est dès le 25 novembre que la Commission et le Comité européen des contrôleurs bancaires (CEBS) déclarent préparer une révision de leur méthodologie. En ce qui concerne le « Six-Pack », celui-ci laisse encore entrevoir, selon la Commission, la BCE et certains États membres, de trop grandes marges d’interprétation, voire des failles : procédure de sanction pas assez automatique, période de six mois accordée aux États membres en situation de déséquilibre pour prendre des mesures, possibilité donnée au Conseil Ecofin de statuer, à la majorité qualifiée, sur le caractère approprié de ces mesures (avant que n’interviennent d’éventuelles sanctions), etc. Au lendemain de la crise irlandaise, la conclusion est donc qu’il faut aller plus loin encore dans le renforcement de la gouvernance économique, de la surveillance budgétaire et de l’assainissement des finances publiques (c’est-à-dire de l’austérité) D’autant que la menace sur le Portugal se précise : la capacité du pays à refinancer sa dette publique se détériore et la perspective d’une assistance financière européenne se rapproche. Quant aux appels pour sortir de la crise par la solidarité, via l’instauration d’« euroobligations » (« eurobonds » visant à mutualiser une partie des emprunts d’État, c’està-dire à convertir une partie de la dette nationale en dette européenne), ils restent lettre morte. Bien que lancée notamment par le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, et par le ministre des Finances italien, Giulio Tremonti, et soutenue sous une forme ou une autre par la commission des affaires économiques et monétaires du Parlement européen, mais aussi par des économistes tels que le Prix Nobel Joseph Stiglitz ou Daniel Cohen, ainsi que par la Confédération européenne des syndicats, l’idée de telles euro-obligations fait face au refus catégorique du gouvernement allemand, justifié par deux arguments principaux : l’aléa moral 55 et l’augmentation des taux sur les obligations allemandes qui s’en suivrait. L’année 2010 se termine par la réunion du Conseil européen des 16 et 17 décembre. Les chefs d’État et de gouvernement décident de réviser le Traité de Lisbonne afin de rendre le mécanisme européen de stabilisation permanent, via la création du Mécanisme européen de stabilité. Celui-ci remplacera à terme le Fonds européen de stabilité financière (FESF) et le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF). Selon l’éditorialiste de l’Agence Europe, l’euro est sauvé : « On pourra écrire ou dire ce qu’on veut, mettre en relief la cacophonie partielle entre les positions des États membres, ironiser sur l’inefficacité des mécanismes institutionnels de l’UE, mais les historiens futurs citeront le 16 décembre 2010 comme le jour où la construction européenne a accompli un pas significatif vers la stabilité monétaire et vers la gouvernance économique de la zone euro, en redressant au moins en partie le déséquilibre historique entre la jambe monétaire et la jambe économique de l’UEM. Ces résultats, qui comportent une légère modification du Traité de Lisbonne, doivent être mis au point et juridiquement élaborés, mais ils sont politiquement acquis. » Le 17 décembre, une semaine après la dégradation de la note de la dette irlandaise par Fitch Ratings, l’agence de notation Moody’s abaisse la note de celle-ci de cinq crans, de Aa2 à Baa1, semblant ainsi faire peu de cas des engagements européens.


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