Du racisme en France


L’année 2017 était une année d’élection présidentielle. Pour la seconde fois de son histoire, le Front National a atteint le second tour de la présidentielle. Non seulement sa candidate Marine Le Pen établit un nouveau record de voix au 1 er tour, avec 7,6 millions de suffrages, mais d’une part sa qualification a beaucoup moins mobilisé que celle de son père le 21 avril 2002 (1,5 million de participants aux manifestations du 1er mai 2002 contre 142000 le 1er mai 2017 selon le ministère de l’intérieur) et d’autre part elle a encore progressé au second tour, rassemblant 10,6 millions de voix sur son nom. Mais l’histoire de l’indice longitudinal de tolérance nous apprend que ces évé- nements n’ont pas toujours l’effet attendu sur les évolutions de la xénophobie et de la tolérance. Ainsi les attaques terroristes ne produisent par elles-mêmes aucun effet systématique. Depuis 1990, la France a connu les attentats islamistes de l’été 1995 à Paris, ceux de Washington et New York en septembre 2001, ceux de Madrid en mars 2004, ceux de Londres en juillet 2005. Pourtant, en 1995, 2001 et 2004 on ne constate pas de crispation raciste. Entre 1994 et 1995, l’indice reste stable, entre 2000 et 2002, la tolérance progresse, tout comme entre 2003 et 2004. En revanche, on constate une baisse importante entre 2004 et 2005, avant tout à cause des émeutes en banlieue. Les événements n’aboutissent donc pas obligatoirement à nourrir les préjugés. C’est ce que confirme l’enquête de la CNCDH menée à l’automne 2017. En fait, ce ne sont pas les événements en tant que tels qui pèsent directement sur les opinions des individus, mais la manière dont ces événements sont «cadrés » (framed) par les élites politiques, sociales et médiatiques. Leurs responsabilités sont donc particulièrement importantes pour créer un récit dominant. Par exemple en 2005 la focale autour «d’émeutes musulmanes» a été particulièrement présente dans les débats français, au détriment d’autres manières de couvrir et d’interpréter ces événements comme les inégalités sociales ou la relégation urbaine par exemple20. Ce prisme musulman a eu des conséquences majeures sur la montée de l’islamophobie dans certaines strates de l’opinion publique et a abouti à une baisse de l’indice longitudinal de tolérance de 6 points. À l’inverse, les attentats de janvier 2015 ont été l’occasion de «sortir par en haut», grâce notamment aux manifestants «je suis Charlie». On sait que ces citoyens prônaient la tolérance, le refus des amalgames et l’attachement à la liberté d’expression et non le rejet de l’islam et des immigrés21. L’attentat du 20 avril aurait pu nourrir l’intolérance. Marine Le Pen s’est d’ailleurs évertuée à jouer sur les peurs de nouvelles attaques 22, mais d’autres cadrages étaient bien possibles et surtout, il semble que ce soit le discours d’hommage d’Étienne Cardiles, le compagnon du policier tué lors de cette attaque, qui a marqué les esprits. «Vous n’aurez pas ma haine», «Restons dignes et veillons à la paix», «La tempérance et la tolérance étaient tes meilleures armes», sa réaction est la preuve qu’une attaque terroriste peut mener à d’autres récits que ceux de la peur et du repli.


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