En Russie, Vladimir Poutine Assouplit Sa Réforme Contestée Des Retraites


Ce n’est pas une reculade mais un « assouplissement ». Le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, a soigneusement choisi ses mots, mercredi 29 août, pour annoncer des changements dans la très impopulaire réforme de l’âge de départ à la retraite. Depuis que son gouvernement l’a lancée en catimini quelques heures avant la cérémonie d’ouverture du Mondial de football en Russie, le 14 juin, la colère est montée dans la population : l’âge de départ à la retraite devait passer à 63 ans pour les femmes et à 65 ans pour les hommes, contre 55 et 60 actuellement. Ce relèvement, après quatre-vingt-dix ans de statu quo, est un choc dans un pays où l’espérance de vie plafonne à 70 ans pour les femmes et à 66 ans pour les hommes. Face à la protestation sociale et au malaise du gouvernement pendant tout l’été, Vladimir Poutine, lui, s’est tu. Le président s’est enfin exprimé mercredi lors d’une solennelle adresse télévisée. En président au-dessus de la mêlée, réaliste devant les réalités économiques d’une réforme devenue inévitable mais soucieux de défendre « les intérêts de la population », Vladimir Poutine a présenté un compromis. « Je propose une série de mesures qui nous permettront d’assouplir le plus possible les décisions prises », a-t-il déclaré, regard droit et compatissant, lors de sa longue intervention à la télévision, un format inhabituel pour le président. L’âge de la retraite des hommes sera relevé comme prévu. Mais la réforme sera aménagée pour les femmes : pour elles, le relèvement sera de cinq ans, au lieu des huit ans prévus. De plus, M. Poutine propose un départ anticipé pour les mères de familles nombreuses, le maintien d’avantages pour certaines professions comme les mineurs et l’introduction de sanctions pénales pour les entreprises licenciant des employés proches de l’âge de la retraite ou celles refusant d’en embaucher. Cibler les femmes pour atténuer les méfaits de la réforme est habile. Ce sont elles qui, comme souvent en Russie où l’apathie des hommes est notoire, se sont le plus mobilisées depuis l’annonce de la réforme. D’autant plus que la « babouchka » est une figure centrale dans la société russe, quittant traditionnellement son emploi tôt afin de s’occuper des petits-enfants. Croissante indignation Pour Vladimir Poutine, il y avait donc urgence à répondre à la croissante indignation. Organisées par les communistes, surnommés « le parti des futurs retraités », mais aussi par le leader de l’opposition, Alexeï Navalny, condamné lundi à 30 jours de prison pour un rassemblement non autorisé, les manifestations se sont multipliées. De Saint-Pétersbourg à Vladivostok, des foules de centaines voire de plusieurs milliers de personnes ont scandé cet été « Ne touchez pas à nos retraites ! ». A Moscou, un homme a protesté en se mettant nu sur la place Rouge et en cachant ses parties intimes avec une pancarte « On me vole jusqu’au caleçon ». Sur Internet, quelques jours après l’annonce de la réforme, une pétition a recueilli plus de 2,5 millions de signatures. La colère vise le gouvernement, initiateur du changement. Mais elle n’a pas épargné Vladimir Poutine. Malgré ses silences, il semblait approuver une réforme annoncée trois mois après sa large réélection le 18 mars, alors qu’il ne l’avait pas incluse dans son programme et avait promis de ne jamais la conduire. Du coup, sa cote de popularité a baissé, passant de 80 % à 60 %. De nouvelles manifestations sont prévues en septembre lors de la lecture du projet de loi au Parlement. Mais M. Poutine a prévenu que la réforme ne serait pas davantage modifiée. A la télévision, il s’est voulu pédagogue pour rappeler que le vieillissement de la population rendait impossible le statu quo. Sans mesure face à la réalité des courbes démographiques et à la hausse de l’espérance de vie, « nous détruirons tôt ou tard nos finances, nous serons contraints de nous empêtrer dans les dettes ou d’imprimer de l’argent sans provision, avec pour conséquences hyperinflation et pauvreté », a expliqué le président pour convaincre du bien-fondé d’une réforme dont la persistante impopularité pourrait se faire sentir dès les résultats des élections locales du 9 septembre. Un test pour Vladimir Poutine.


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