La protection contre un Etat violent


Le 3 décembre 1865, un groupe de Mississippiens noirs écrivit au gouverneur de l’État pour exiger le respect de leur liberté nouvellement acquise. «Maintenant, nous sommes libres», ont-ils insisté, «nous ne voulons pas être chassés… Tout ce que nous demandons, c’est la justice et d’être traités comme des êtres humains.» Ils ont rappelé avec éclat «le hurlement des limiers et le tarage de nos compagnons de service aux poissons» par les patrouilles d’esclaves, et ont appelé à la fin de ces violents abus. Le quatorzième amendement, rédigé l’année suivante et ratifié en 1868, confirmait leurs revendications d’égalité de justice, de dignité humaine et de sécurité corporelle.

Le quatorzième amendement a opéré une transformation fondamentale du droit constitutionnel de la police à deux égards. Premièrement, elle obligeait les États à respecter les droits fondamentaux fondamentaux, y compris ceux à la vie et à la sécurité personnelle. La police d’État ne pouvait pas fouiller et saisir sans discernement les Noirs américains. Deuxièmement, comme l’a expliqué le sénateur Jacob Howard – l’un des rédacteurs de l’amendement – lors des débats du Congrès, sa garantie de «l’égalité la protection des lois »exigeait« une mesure de justice »pour toutes les personnes, sans distinction de race. L’exigence d’égalité de protection a mis fin à «l’injustice de soumettre une caste de personnes à un code non applicable à une autre», selon Howard.

 

Ensemble, ces garanties visaient à mettre fin aux pratiques policières racialisées. Ce faisant, le quatorzième amendement a inscrit directement dans la Constitution l’idée que la violence contre les Noirs doit cesser. Cela reflétait la vérité évidente et la plus fondamentale selon laquelle l’intégrité et la sécurité corporelles sont fondamentales pour la liberté. Le quatorzième amendement a frappé des siècles d’histoire qui ont permis aux corps noirs d’être violés sans discernement, promettant plutôt la sécurité personnelle à tous. Le pouvoir policier illimité, ont reconnu les rédacteurs de l’amendement, était un outil d’oppression et de violence raciales. L’égalité de citoyenneté et la vraie liberté ne pourraient pas être jouies sans limiter les abus de la police.

L’histoire de la création de l’amendement révèle cette promesse fondamentale. En 1866, le Congrès a formé le Comité mixte sur la reconstruction pour enquêter sur les conditions dans le Sud. Certains des chefs de file du 39e Congrès, dont le sénateur Jacob Howard et les représentants John Bingham et Thaddeus Stevens, ont siégé au comité bipartite de 15 personnes. Le comité a recueilli les témoignages de Blancs du Sud, de Noirs américains cherchant à jouir de la liberté pour la première fois, et d’officiers de l’Union travaillant dans le Sud, apprenant de première main la violence horrible et la violation systémique des droits fondamentaux. Le comité a rédigé le quatorzième amendement, et ses conclusions et les témoignages qu’il a entendus portaient directement sur l’amendement qu’il a rédigé.

Le rapport du comité – publié en juin 1866 et largement diffusé dans tout le pays – plaide pour la garantie des «droits civils et privilèges de tous les citoyens dans toutes les régions de la république». Si les États du Sud étaient laissés à leur propres appareils, les Noirs «pouvaient difficilement vivre en sécurité» et «les actes de cruauté, d’oppression et de meurtre» fleuriraient.

Cinq types différents d’abus de pouvoir par la police ont été détaillés dans le rapport: les invasions de domicile, le vol de biens personnels, les arrestations aveugles et prétextuelles, la violence raciale gratuite parrainée par l’État et le refus de protéger les Noirs de la violence privée. De toutes ces manières, la police et le système de justice pénale ont fonctionné comme un levier pour prendre la liberté – et même la vie elle-même – des Noirs. Dans des détails vifs et terribles, le rapport a répertorié la manière dont les policiers agissaient «en ce qui concerne la violence et les mauvais usages, à tous égards à l’ancienne époque de l’esclavage»; comment ils ont arrêté des Noirs américains comme vagabonds «simplement parce qu’ils n’avaient pas dans leurs poches les certificats de travail de leurs anciens propriétaires ou d’autres citoyens blancs»; et comment la police «fait des escouades, fouille les maisons et saisit les armes», arrachant les Noirs de leurs possessions.


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