Un double voyage


Il y a quelques années, quand mon manager m’annonçait le prochain incentive, j’avais tendance à devenir ronchon. Tout au long de ma carrière, j’ai travaillé pour pas mal d’entreprises qui n’y connaissaient vraiment rien en terme de management. Dans ces boîtes old school, la direction attendait de nous que nous nous dépassions mais donnait très peu en compensation. Et tout donner durant un mois pour remporter des cacahuètes, ça porte un peu sur les nerfs. L’entreprise pour laquelle je travaille aujourd’hui a cependant être un peu mieux exercée au management. Quand elle propose un incentive, la dotation est à la hauteur de l’effort fourni. Et ça, ça change tout. Du coup, c’est avec joie que je découvre les nouveaux incentives, et je me donne à 200 %. C’est comme ça que, l’année dernière, j’ai déjà remporté un iPad, un vélo, des places VIP pour des matchs de foot… Si j’étais déjà comblé de ce quatorzième mois, il y a quelques semaines, j’ai toutefois gagné le gros lot : un voyage de 5 jours dans les plaines de Mongolie ! Au début, j’avoue que je n’étais pas très chaud pour y participer. Quitte à choisir, j’aurais de loin préféré partir en voyage avec ma femme. Parce que c’était un voyage entre collègues, bien entendu. Je n’étais pas transporté par le principe. Partir en voyage avec ses collègues, ce n’est pas à proprement parler du boulot, mais c’est tout de même loin d’être des vacances. On ne se conduit pas au travail comme on se comporte à la maison. Il y a un rôle à jouer, le rôle du mec qui se lâche parce que c’est ce qu’il est supposé faire, mais tout en faisant tout de même garde à son attitude, vu que ses collaborateurs ont des yeux. Enfin, ça, c’est ce que je croyais avant d’y aller. Une fois sur place, j’ai surtout rendu compte qu’un voyage entre hommes, parfois, ça permet tout autant d’être naturel. Mais d’un naturel assez différent de celui qu’on a avec sa femme. J’ai dû perdre quelques neurones durant ce voyage, mais de temps à autre, ça fait quand même un bien fou. Je craignais par-dessus tout que les activités organisées sur place soient une compilation d’activités faussement authentiques. Vous savez, le genre d’ activité où vous avez l’impression d’être dans un usine à gaz du tourisme. J’ai déjà eu l’occasion de vivre ce genre de moment au cours de voyages, et ça ne m’a vraiment pas plu. Mais la DRH a, là aussi, su s’en sortir avec les honneurs : c’est une agence spécialisée qui a tout organisé d’un bout à l’autre, et nous a concocté un voyage vraiment authentique. Si le programme s’est avéré hyper-chargé (c’était loin d’être reposant), ça a été un vrai bonheur : nous n’avons pas eu droit à un séjour touristique (le colon blanc venant se divertir chez les indigènes), mais d’un séjour authentique où nous avons non seulement découvert la culture locale mais également échangé avec les habitants et les autres collègues. Je craignais surtout que les activités qu’on nous réserve sur place soient navrantes. Vous savez, le genre d’activité qui semble avoir été créée par un animateur BAFA incapable de comprendre qu’il s’adressait à des adultes. Mon entreprise a gagné sur les deux tableaux, sur ce coup-là : elle a fait des heureux parmi ses collaborateurs avec ce voyage, challenge commercial et a surtout contribué à améliorer la communication entre ces derniers. Je pense que je suis enfin arrivé à destination. Il y a eu une période où je changeais de boîte comme de chemise. Alors qu’aujourd’hui, je me surprends à ne même plus ailleurs. Et vous savez quoi ? Ca fait du bien, de se sentir posé.


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